BIO

  • Animiste est le 4ème album de Fania Niang, chanteuse sénégalaise fille de plusieurs traditions, riche de différentes cultures, qui a toujours su exprimer sa singularité avec élégance et profondeur. Si son chant glisse sans à-coups d’une langue à l’autre (wolof, peul, soninké, malinké, français), si sa musique s’habille avec naturel de textures africaines ou occidentales, pop ou traditionnelles, c’est que vit en elle la certitude de l’enracinement.

    Cette dimension, cette Afrique à la fois enchantée et mystérieuse dont elle est le fruit, Fania nous convie à la découvrir avec Animiste, florilège de chansons où se mêlent éléments biographiques, quête spirituelle et réflexions philosophiques.

    Fania a grandi dans le petit village sénégalais de Koungheul situé à 400 kilomètres au sud est de Dakar. De cette enfance africaine, elle a retenu tout particulièrement deux images : la première est celle de son grand père, marabout soninké qui, chaque soir au moment de la veillée lui raconte des histoires assorties de quelques sourates du Coran; la seconde est celle de sa mère qui danse et chante sur la place centrale au milieu d’une foule de villageois lors des fêtes traditionnelles. « C’est là que j’ai voulu être artiste » souligne t’elle. Mixant l’érudition et la sagesse de l’un à la liberté de l’autre, la petite fille va se forger une solide personnalité pour traverser une vie qui rapidement deviendra aventureuse.

    A 14 ans, elle prend des cours de photographie à l’Institut Français et accompagne son professeur en brousse pour l’assister comme projectionniste de cinéma itinérant.

    Puis c’est Paris où elle se révèle comme mannequin pour Jean Paul Gaultier et Jean Paul Goude. Vient ensuite l’épisode Kaoma et le succès de La Lambada avec ses 14 millions d’albums vendus. Propulsée choriste de l’un des plus grands tubes de l’histoire, elle parcourt le monde pendant 5 ans avant de se retrouver en Californie où, happée par le tourbillon d’une notoriété jugée artificielle, elle tente de refaire surface. Les quelques maquettes réalisées avec le pianiste d’Earth Wind & Fire, Larry Dunn, n’y suffiront pas et elle se retrouve bientôt présentatrice d’émissions sur la chaîne MCM Africa.

  • C’est avec son premier album Sopi en 1999 qu’elle reprend son destin en main, celui d’une auteur, compositrice, interprète en quête d’une authenticité en mesure de restituer toute la singularité d’un parcours aussi sinueux que le cours d’un fleuve. Remontant à chaque fois vers la source africaine, Fania sort successivement Naturel (2004) puis Silmakha (2008). Elle propose aujourd’hui Animiste où elle retrouve l’ambiance de son village, certaines des chansons qui l’ont marquée, ainsi que l’âme de ses aïeux.

    Être animiste en Afrique signifie vivre en harmonie avec la nature mais aussi prêter à tous ses phénomènes une volonté spirituelle. Le vent, la pluie, la crue ou la sécheresse deviennent dès lors la manifestation d’esprits, ceux des ancêtres notamment, ou de divinités plus ou moins apaisés avec lesquels il faut composer.

    Fania a grandi dans l’animisme qui dans cette partie du monde fait bon voisinage avec l’Islam ou le Christianisme, parfois même les réunit. Partagée entre les sagesses ancestrales dispensées par son grand père marabout et un enseignement reçu à l’école française qui lui ouvrit très tôt le chemin de la modernité, la jeune fille aurait pu à l’instar du héros de L’Aventure Ambiguë, roman initiatique de Cheikh Hamidou Kane, vivre ce double enracinement comme une angoisse existentielle. Or à l’écoute d’Animiste, on retrouve bien au contraire la Fania pleine d’une joie communicative que beaucoup connaissent.

    « Ce disque est un voyage » nous dit elle « celui de l’être humain ».

    Consciente que la véritable progression spirituelle de chaque individu réside dans la préservation de son innocence, le cas échéant dans sa reconquête, ce voyage nous ramène à son enfance avec des chansons qui souvent adaptent des thèmes traditionnels wolofs, tel Abasse jadis interprétée par le groupe Xalam. « Abasse nous dit que tout ce que nous pouvons amasser comme richesse sur terre, qu’il s’agisse d’or ou de diamant, n’est qu’un prêt qui obligatoirement devra être rendu au moment de notre mort ».

  • De fait Animiste s’apparente à un cycle. Plus exactement à une ronde de chansons porteuses de sagesse comme La Pomme Croquée, chantée en français, comme Safaye (Le talisman) ou Ani M'Bara (La Sagesse). Le Planteur est un autre exemple d’une démarche qui au travers d’airs populaires emprunts de sapience ancestrale restitue l’univers originel d’une communauté rurale unie par le bon sens et la bienveillance dans lequel Fania a baigné, et dont elle entend nous rapprocher.
    Comme le dit un dicton africain : «pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village».

    Un autre dit aussi que «ce que l’on a appris pendant l’enfance est mieux gravé que dans la pierre».

    L’enfant qu’elle a su protéger en elle, on la retrouve dans la texture de son chant, dans cette voix fragile, émouvante et pleine d’émerveillement. On en perçoit également les effets dans une production fidèle aux pigments sonores non édulcorés des instruments acoustiques, tels que la guitare de François Lassere, la kora de Ali Boulo Santo, le piano de Patrick Bebey (fils de Francis) les percussions Miguel Ballumbrosio, qui repeignent son Afrique aux couleurs vives des souwèr, ces tableaux que l’on vend sur les marchés et qui fixent la réalité avec une désarmante candeur.

    Mais loin de se contenter d’airs du passé, ou d’un recyclage de vieux adages de campagne, ce recueil de chansons porte avant tout un regard vigilant et concerné sur le présent.

    Ainsi, qu’il s’agisse de l’importance de la lecture et de l’éducation (Le Livre), comme de l’importance de refuser l’indifférence face à la douleur d’un monde où violence et injustice ne chôment jamais (Une Larme, Amazone), Fania prouve qu’être Animiste aujourd’hui c’est avant tout être dans et avec l’humain.

    Francis Dordor Les inrockuptibles